Et autres histoires.
Chers lecteurs,
Ces périodes de fêtes incitent au rêve. C’est pourquoi l’envie m’est venue de partager quelques histoires, non sans rapport avec mon médium habituel.
Au-delà de leur aspect fantasque, ces contes recèlent un message qu’il serait dommage d’ignorer.
Alors pourquoi ne pas joindre l’utile à l’agréable ?
En vertu de quelles règles nous priverions-nous de réveiller l’innocence de l’enfant que nous fûmes, lorsque cela peut enrichir l’adulte que nous sommes devenu ?
Juste le temps d’une lecture, n’hésitons pas à plonger dans la fantaisie d’un rêve que je partage avec vous à travers quatre histoires puissantes, parfois assorties de quelques commentaires.
C’est mon cadeau de Noël …
LE BOUDDHA D’OR
Il y a plusieurs siècles, un Temple du Tibet abritait un Bouddha d’or. C’était une époque où la sérénité qui régnait dans les sactuaires rivalisait avec la violence hors-norme qui sévissait à l’extérieur. Certains hommes, affamés par des restrictions drastiques ne connaissaient d’autre voie que la rapine et le pillage. Et les moines avaient toutes les raisons de craindre que ces brigands ne leur dérobent leur statue sacrée.
Un jour, un des moines eut l’idée de recouvrir l’effigie du bonze d’une couche de boue séchée et durcie. Ainsi, la statue semblerait n’avoir aucune valeur.
C’est ainsi qu’avec les années, l’intérêt des gens pour la sculpture s’estompa au point de n’avoir plus aucune valeur, même pour les générations de moines qui se succédaient.
Voilà comment cette couche externe de terre durcie, censée protéger un trésor contre les attaques supposées du monde extérieur, cachait une richesse d’une valeur inestimable.
La tentation de transposer l’histoire du Bouddha à notre propre existence est trop forte.
Ne croyez-vous pas que nous fassions de même avec notre Soi ?
Ne trouvez-vous pas que notre ego ressemble étrangement à cette croûte de glaise séchée ?
Est-ce ainsi que nous nous protégeons contre des menaces illusoires attribuées à l’extérieur ?
Et si, au fond, nous étions nos propres ennemis ?
En présentant au monde l’image d’un personnage qui n’est pas nous, nous croyons nous protéger d’un danger qui n’est qu’une croyance. Ainsi, avons-nous caché un trésor dont nous avons fini par oublier l’existence. Et c’est occultés à nous-mêmes, que nous traversons le temps de notre passage.
Se défaire de la conque protectrice.
Comme tout minéral, l’or a ses propres impuretés. Il n’en reste pas moins que cette noble matière n’est reconnue que pour sa grande valeur. Il en va de même de notre trésor intérieur. Nous occultons des aspects ténébreux qui en côtoient d’autres, parfaitement lumineux. Tout comme il est impossible d’extraire de l’or à l’état pur, nous ne pouvons accéder à notre pureté qu’en acceptant d’y voir aussi les impuretés qui s’y logent.
Voilà pourquoi je répète à tue-tête cette fameuse citation de Jung qui nous dit, en subtance, qu’on ne peut trouver sa lumière qu’en acceptant de traverser sa propre ombre.
Est-il si difficile de reconnaître et d’accepter la colère et l’égoïsme, la méchanceté et la jalousie dont nous sommes parfois capables ? Chaque aspect de ce que nous sommes réellement n’est qu’une pièce à deux faces. Pile et face. Occulter ces aspects négatifs nous ferme l’accès aux aspects positifs véritables qui y sont invariablement liés. Avant d’avoir compris cela, ce que nous offrons de “bon” n’est qu’une pâle imitation de ce que nous imaginons être la perfection.
Accepter le potentiellement mauvais en nous permet d’accéder à l’authentiquement bon. Alors, nous découvrons que les contraires fusionnent pour former notre véritable unicité. En nous autorisant à être tout à la fois selon les circonstances, nous lâchons-prise sur notre culpabilité, ainsi que sur notre peur du rejet. Alors le vrai Soi fondé sur l’amour de Soi et des autres s’éveille. Et le faux-personnage fondé sur la peur devient obsolète.
“Le bon et le mauvais en nous ne sont pas opposés, mais complémentaires.”
Carl Gustav Jung
LES DEUX LOUPS
À la fin du XIXo siècle, dans une tribu amérindienne du Nord des États-Unis, un enfant demande à son grand-père, le vieux chef du groupe :
- Grand-père ! Qu’est-ce qu’un homme ?
Très ému, le vieux sage prononça sereinement : - L’Homme est une immense extention. Bien plus grande que le plus grand des espaces. Et en lui, co-existent un loup noir et un loup blanc qui s’affrontent perpétuellement dans un combat qui se prolonge jusqu’à sa mort.
- Et qui sont ces loups, grand-père ?
- Le premier est ténébreux et peut prendre plusieurs aspects. Il se manifeste par la colère, la jalousie, la tristesse, le regret, la cupidité, l’avarice, l’arrogance, la culpabilité, le ressentiment, l’infériorité et la supériorité, le mensonge, l’hypocrisie, la faiblesse. Ce loup n’a pas confiance en lui, pas plus qu’il n’en a pour les autres. Il craint la critique et l’échec. Il n’écoute pas ses propres désirs parce qu’il n’y croit pas ; et il attend des autres une solution qui ne peut venir que de lui-même. Il ne se responsabilise pas de lui-même et n’assume pas le prix de sa propre réalisation. Ce loup est gouverné par l’ego.
En revanche, le second est lumineux. Il exprime naturellement le bonheur, la paix, la joie, la sérénité, l’humilité, la bonté, la bienveillance, l’empathie, la générosité, la vérité, la compassion, la foi en lui-même, la confiance dans ses propres ressources et dans celles des autres, l’amour de la vie sous toutes ses formes, la force. Ce loup sait être à l’écoute de son profond désir et il s’en fait responsable. Il ne craint pas le cours de la vie car il sait que, jour après jour, il est le créateur de sa propre existence. Ce loup est gouverné par le Soi véritable.
En chaque homme se livre cette bataille. Elle est aussi en toi, mon fils. Et la substance de tout ce que peut manifester chacun des loups se résume aux deux forces essentielles : La peur et l’amour. - Mais grand-père ! Lequel des deux finit par gagner la bataille ?
- Cela dépend, mon petit.
- Et de quoi cela dépend-il, grand-père ?
À ces mots, le Sage sourit portant le regard vers l’horizon, et la voix chargée de sagesse, il répond : - Mon enfant ! Cela dépend de celui des deux que tu décides de nourir !
Être n’est qu’une affaire de décision …
En considérant la reconnaissance et l’acceptation en soi de tous nos aspects contradictoires, ce texte est dans la lignée du précédent. Mais il va plus loin en nous signalant que l’expression de ce que nous sommes véritablement est un choix.
Comme toujours, c’est en regardant nos propres peurs à la lueur de la lumière qui nous habite, que nous les réduisons à rien. Alors l’amour émerge …
“Tels deux oiseaux dorés posés sur le même arbre, l’ego et le Soi, amis intimes, vivent dans le
Upanishad Mundaka
même corps. Le premier mange les fruits doux et amers de l’arbre de la vie, tandis que le second observe avec indifférence.”
LES SEPT MASQUES
Voici l’histoire d’un homme qui possédait sept masques : un pour chaque jour de la semaine.
Chaque matin, au lever, il choisissait le masque correct en fonction de ce qu’il devait affronter dans la journée. Il le plaçait sur son visage et partait travailler. C’est ainsi que jamais personne n’avait vu son vrai visage.
Une nuit, pendant son sommeil, un voleur s’introduit chez-lui et déroba tous ses masques. À son réveil, le pauvre homme se rendit compte de la disparition et, dilaté par l’angoisse, il se précipita dans la rue en criant : “Au voleur !”. Comme personne ne lui répondait, il se mit à parcourir les rues à la recherche de ses trésors perdus.
Les passants le voyaient gesticuler, jurer et menacer tous azimuts. Il promettait les pires malheurs à tous, s’il ne parvenait pas à retrouver ses masques. Il passa la journée à courir après le voleur, mais ses recherches furent vaines.
Et voilà notre homme, désespéré, vaincu et inconsolable qui, assis sur le trottoir et la tête entre les mains, commence à sangloter comme un enfant.
Certaines personnes s’arrêtaient pour tenter de le consoler, mais rien ni personne n’y parvenait.
Après de longues heures de souffrance, une femme qui passait se posta à ses côtés et lui demanda doucement :
- “Que se passe-t-il mon ami ? Pourquoi pleurez-vous ainsi ?”
L’homme osa lever la tête et répondit, la voix cassée : - “On m’a volé mes masques, et avec le visage ainsi découvert, je me sens si vulnérable.”
- “Consolez-vous, mon ami. Lui dit-elle. J’ai montré mon vrai visage depuis que je suis née.”
L’homme la regarda attentivement et il vit que, sans être exceptionnellement belle, le visage de la femme rayonnait d’une lumière éblouissante.
La femme se pencha vers le visage de l’homme, sourit et sécha ses larmes.
Pour la première fois dans toute son existence, sans ses masques, l’homme put sentir la douceur d’une carresse et la chaleur de l’amour …
L’idée de ce texte est tirée d’un écrit de VÉRONIQUE TADJO, auteure de la Côte d’Ivoire.
Nous accepter tels que nous sommes.
La morale de cet extrait fait suite à celle qui émane des deux premières histoires. Nous forgeons un personnage où dominent les attributs externes. Pas étonnant, dans ces conditions, que soit cachée toute notre essence. Nous portons des masques, croyant nous protéger, ne réussissant qu’à nous affaiblir et nous rendre vulnérables.
Cela pose la question du lâcher-prise. Nous n’avons pas à contrôler ce que nous sommes véritablement. Or nous passons notre vie à tenter de dompter une image qui n’est que le reflet de prétendues attentes extérieures. Croyant maîtriser notre image extérieure, nous perdons le contrôle sur ce qui, venant du dedans, n’aurait besoin d’aucune sorte de régulation.
Nous brillons faiblement comme le ferait un bijou de métal sur lequel on aurait apposé une fine couche de plaqué-or. Avec l’usure du temps, cette pellicule s’estompe et finit par disparaître, nous obligeant à la reconstituer. Entre-temps, notre véritable rayonnement reste occulté.
Voici la différence entre l’extérieur et l’intérieur.
Elle est la même qu’entre reluire et rayonner.
Cela n’est rien d’autre que ce qui sépare la peur de l’amour.
Tant que nous ne ferons que reluire extérieurement par peur du jugement et par crainte de ce que nous sommes, nous priverons le monde de notre rayonnement intérieur et de l’amour qui s’en dégage.
“Ce n’est que lorsque nous cessons d’avoir peur, que nous commençons à vivre”
Dorothy Thompson
LES TROIS MAÇONS
Dans l’angleterre moyen-âgeuse, près d’un énorme chantier qui venait juste de commencer, trois bâtisseur se retrouvèrent attablés dans une taverne pour se raffraîchir après leur dure première journée de travail. Le tavernier, curieux de connaître ces hommes qu’il voyait pour la première fois, leur demanda de quelle façon ils gagnaient leur vie.
Le premier répondit : “Je remue des pierres toute la journée.”
Le second précisa : “Je mets des pierres les unes sur les autres pour élever des murs.”
Le troisième affirma : “Je bâtis des cathédrales.”
Juste une question de point de vue sur Soi-même …
Ce texte dépasse le simple cadre de l’être pour nous plonger dans le domaine du faire … et du réaliser. Nous voyons ici que des trois hommes qui font le même travail, seul le dernier s’inscrit dans une véritable réalisation. “Ainsi tu choisis de te percevoir … ainsi tu subis … ou te réalises.”
“Tant que tu ne parviens pas à te réconcilier avec ce que tu es, tu ne seras jamais satisfait de ce que tu as.”
Doris Mortman
POUR FINIR …
En guise de conclusion de tout ce qui vient d’être écrit, voici un proverbe hindou qui me semble résumer parfaitement l’ensemble des aspects que j’ai voulu partager avec vous.
“Après avoir créé l’Univers, les Dieux se sont demandés où ils pourraient bien cacher la vérité.
Dans la plus haute montagne ?
Dans le fond des océans ?
Sur la face cachée de la lune ?
À la fin, ils décidèrent et proclamèrent qu’ils l’occulteraient dans le coeur de l’Homme. Ainsi, il devrait la chercher sans soupçonner qu’elle se trouve au plus profond de son être.”
La vérité est une quête que nous décidons d’investir.
Elle nous est donnée d’emblée, mais nous choisissons de l’oublier. Jusqu’au jour où nous décidons de la reconnaître. Alors tout ce à quoi nous donnions de l’importance cesse d’en avoir et l’illusion se dissout. Le conditionnement est notre lot. Et la vérité est cachée parce qu’elle ne peut que se mériter.
Merci de m’avoir lu, une fois de plus.
Je désire sincèrement que ces histoires vous auront émus tout en vous permettant de rêver.
Je vous souhaite d’excellentes fêtes ainsi qu’une magnifique entrée dans l’année 2020, remplie de beaux projets et de résolutions décisives.
À très bientôt pour de nouveaux mots …
“Un être intégral connaît sans voyager, voit sans regarder et réalise sans faire.”
Lao-Tsé