UN DÉFI EXISTENTIEL MAJEUR.
Jean Paul Sartre (que je n’ai jamais réussi à lire complètement) disait que “L’enfer, c’est les autres”.
On entend aussi dire que “la liberté des uns finit où commence celle des autres”.
Peu ou prou, toutes les demandes d’accompagnement concernent, directement ou indirectement, la façon de se positionner par rapport à l’Autre. Qu’il s’agisse du conjoint, des parents, des enfants, … , mais aussi du voisin et du reste du monde.
En d’autres termes, comment réellement tenir sa place et jouer sa note, sans que cela nous plonge automatiquement et perpétuellement dans l’univers conflictuel que nous connaissons depuis que nous faisons l’expérience de notre humanité ?
Ce qui entre en jeu ici n’est , ni plus ni moins, que le sentiment de liberté personnelle au milieu des autres. La possibilité d’établir une relation où chacune des parties se sente exister pleinement, sans se contraindre mutuellement.
Vous l’aurez compris, c’est dans ce cadre qu’entrent en ligne de compte des notions fondementales telles que l’amour inconditionnel (de l’autre et de soi) – la culpabilité – l’agressivité – le ressentiment … et le pardon qu’il nous faudra définir.
Dans le dédale souvent infernal des relations humaines, comment s’y retrouver ?
Au-delà de “L’enfer” de Sartre, y a-t-il un paradis possible en ce monde ?
N. B. : Même si les idées et concepts reflétés dans ce texte appartiennent à la psychologie, nombre d’entre-eux sont amplement inspirés de la mise en forme qu’a su leur donner Kenneth Wapnick dans son ouvrage intitulé “Introduction générale à Un Cours en Miracles.”
LES PRÉMISSES DE L’ENFER.
Parce que connaître les origines du problème est la clé pour mieux s’en affranchir.
Vous aurez déjà pu le lire ou l’entendre, dans d’autres textes, dans d’autres bouches.
Au cas où ce ne soit pas le cas, j’ai pu écrire précédemment ce que beaucoup ont signifié avant moi :
Nous sommes tous des êtres duels.
Il y a la part de nous qui sait exactement qui elle est, ce qui l’appelle profondément, ce qui est juste. Donnez-lui le nom que vous voudrez. Certains l’appellent le Soi (avec un “S” majuscule) ; d’autres la nomment notre part lumineuse ; d’autres encore parlent de part divine de Soi, se gardant bien d’entrer dans quoi que ce soit qui s’apparente à un dogme de nature religieuse.
Puis il y a la part de soi qui répond au conditionnement que nous avons reçu. Vous aurez compris qu’il s’agit du soi (avec un petit “s”) ou encore de l’ego, qui n’est autre que l’identité que nous croyons posséder, alors qu’elle n’est que le fruit de notre interaction avec l’extérieur : Normes sociales, schémas collectifs de pensée, attentes particulières auxquelles nous avons répondu par peur du non-amour.
Dans notre existence actuelle et dans leur plus pleine expression, là où règne l’un, l’autre s’efface.
C’est ainsi qu’au fil des ans, nous finissons par être ce qu’au fond nous ne sommes pas ; que nous nous éloignons plus ou moins de ce que nous sommes depuis toujours, dans notre fondement.
“L’amour est vide d’ego ; l’ego est vide d’amour.”
Anonyme
Mais quel rapport avec les relations et, au-delà, notre sentiment de paix, de confiance et de joie face à la vie ?
Vous verrez que le lien est beaucoup plus évident que ce que nous tendons à le croire.
À y regarder de près, le monde semble une gigantesque pièce de théâtre. Parfois comique ; parfois neutre ; souvent dramatique. Mais tout n’est qu’affaire de rôles à jouer et à tenir. Une manière de voir les choses qui n’est pas si métaphorique que cela. Il semble en effet que, dès avant notre arrivée dans le décor qui nous était destiné, notre milieu d’accueil avait déjà préparé le costume qu’il nous faudrait porter des années durant. Voire, toute une vie, à moins que nous n’en décidions autrement. Si le costume est inspiré par tout un système de pensée socio-culturel déterminé, il n’en n’est pas moins véhiculé de manière tout à fait spécifique par une famille qui possède sa propre histoire, ses propres particularités, sa propre vision de la vie.
Au sein de l’exigence globale, un certain degré d’individualité apparaît forcément, nous donnant une illusion d’unicité.
D’où l’idée que nous sommes tous différents … Du point de vue de l’ego, est-ce si vrai que cela ?
Et d’ailleurs ! L’ego tient-il vraiment à la différence ?
“Nous nous ressemblons autant que nous sommes différents. D’ailleurs, nos différences se ressemblent.”
Anonyme
Nous voilà donc propulsés dans un monde où il nous est demandé plus ou moins explicitement, avec plus ou moins de douceur ou d’autorité, de troquer ce que nous sommes intrinsèquement, pour un costume qui corresponde exactement à la volonté imposée du dehors de répondre au cahier des charges général.
Le “Soi” n’interesse personne. Il nous faut nous déguiser conformément au souhait général de conformité. C’est la force de l’amour que nous désirons recevoir qui en dépend.
Vous conviendrez qu’il s’agit là d’un amour qui n’est pas tout à fait ce qu’il prétend être.
“Je t’aime … à condition que …”
En effet :
Tel un acteur qui se plonge totalement dans la peau du personnage, nous finissons par perdre le véritable sens de nous-mêmes. Nos fondements. Notre essence. Nos Dons et nos Talents. Ceux qui sont ancrés au coeur même de notre être profond et qui nous pré-existaient, qu’on le croie ou non.
De là la question torturante : “Mon Dieu, mais qu’ai-je fait de moi ?”
Ou plutôt, cette phrase que j’entends si souvent en consultation : “Je ne sais plus qui je suis.”
Et pour cause ?
Désalignement entre ce que je suis et ce que je montre.
Ou tout au moins, conscience plus ou moins vague, souffrante mais indéfinissable que quelque chose manque.
“Qui sommes-nous quand nous ne sommes plus rien, une fois tous les costumes et tous les masques enlevés ?”
Pauline Harvey
Avant même de nous sentir opposés au monde extérieur, ce sont deux univers qui s’opposent en nous.
D’une part, la croyance ferme que nous sommes ce qu’a dicté le scénario qui nous a été imposé. Notre personnalité, notre identité, …, notre ego.
Rassurez-vous ! Si l’affaiblissement de cette entité n’ouvrait pas sur un état d’esprit éminemment plus joyeux et pacifié, je ne me permettrait pas de sous entendre que ce que nous croyons être n’est qu’une illusion. Je sais à quel point cette idée peut s’avérer troublante, douloureuse ou effrayante.
Mais pas d’espoir de paix entière sans traverser notre propre champs de bataille intérieur.
La re-connaissance du véritable Soi n’est possible qu’en acceptant de démonter pierre après pierre l’édifice plus ou moins reluisant qui l’emprisonne et que nous présentons au monde (et à nous-mêmes) comme étant soi.
Et l’ego ne se laisse pas démonter si facilement.
D’autre part, cette version authentique de nous-mêmes, bien réelle, reste prisonnière d’un édifice monté de toute pièce ; ou pour reprendre notre métaphore théâtrale, elle disparait sous les couches épaisses du costume. L’acteur exulte pour mieuz baîllonner la voix qui est en nous.
Là où règne l’un des deux univers intérieur, il n’y a pas (ou peu) de place pour l’autre. Or, les deux existent simultanément. Car perdre le Soi ne veut pas dire qu’il ait disparu. Cela veut simplement dire que nous en avons perdu l’accès et que nous ne connaissons plus ce chemin du retour à Soi.
Le plus simplement du monde, lorsque l’un est actif, l’autre se tait.
Aux yeux de l’ego, il ne doit en rester qu’un ! Lui-même.
Le conflit qui émerge de cette exclusion mutuelle est le fondement de tous nos problèmes relationnels … donc, personnels.
Voyons alors comment nous pourrions situer cette problématique dans le sujet qui nous occupe :
“Moi dans ma relation à l’Autre, avec toute la charge conflictuelle que cela suppose”.
“EGO – Ce petit mot de trois lettres qui peut détruire à lui seul un grand mot de treize lettres que nous appelons Communication.”
Anonyme
Tout part de la Culpabilité.
Une Culpabilité inconsciente mais qui n’en est pas moins active.
Imaginez ce que vous ressentiriez si, soudain, vous preniez conscience du fait que, des années durant, vous avez renoncé à ce qu’il y a de plus vrai en vous, au profit d’un pâle costume d’apparât.
Les sentiments qui en découleraient seraient tous aussi douloureux les uns que les autres.
C’est la raison pour laquelle j’écris “Culpabilité” avec un “C” majuscule.
Car celle-ci comprend l’ensemble des sentiments négatifs qu’il soit possible d’envisager : la colère, le dégoût, la honte, la tristesse, la haine, le rejet des autres et de soi, l’échec, le vide intérieur, le manque chronique, l’incomplétude, l’idée d’incapacité, de défaut, d’inadéquation et mille autres choses… En un mot, l’infinité de sentiments qui nous assaillent chaque jour et qui dérive de la PEUR. De fait, ici, Peur et Culpabilité sont à entendre comme synonymes.
Il s’agit au fond, une peur à grande majorité inconsciente qui ne découle que d’une chose : la trahison originelle faite à soi-même d’avoir troqué le vrai pour le faux ; le “Soi” pour le “soi” ; la Vie pour l’existence.
Travestissement de Soi.
Renoncement à Soi.
Trahison de Soi.
Tous ces sentiments conforment un complexe extrêmement douloureux qui plombe nos relations, nos potentialités, notre rayonnement naturel et …, finalement, l’ensemble de notre destinée.
“L’homme est né pour trahir son destin.”
Paulo Coelho
Quels peuvent être nos choix ?
Ceux qui acceptent l’idée que ce qui vient d’être dit peut-être assimilé à une vérité, s’ouvrent un chemin vers le retour à leur propre demeure.
Ceux qui s’y refusent (l’immense majorité d’entre-nous) déploient toute une batterie de défenses qu’il convient de détailler, afin de comprendre à quel point notre ego est rusé quand il s’agit de se maintenir en vie face aux autres … dans la fosse aux lions que semble constituer, bien souvent, le monde où nous vivons.
L’ensemble de ce système défensif basé sur la peur n’est jamais plus d’actualité qu’au sein des relations que nous entretenons avec l’Autre … Mais aussi avec nous-mêmes.
“Le seul mal qu’il faut vaincre dans ton coeur, mon enfant, c’est la peur. Tous les autres maux : la colère, la jalousie, la tristesse, la culpabilité morbide, proviennent de cet ennemi intérieur. Si tu arrives à dominer ta peur, plus rien ne t’atteindra, plus aucune force mauvaise n’aura d’emprise sur ton coeur. Et pour vaincre la peur, il n’y a qu’un remède : l’amour. Tout le chemin de la vie, c’est de passer de la peur à l’amour.”
Frédéric Lenoir
Ça vous dirait d’explorer notre dynamique humaine universelle ?
Avec plaisir ?
Alors poursuivons …
UNE COMPULSION À RÉPÉTER BIEN GÉNÉRALE … ET NATURELLE.
Ou … Comment défaire la méconnaissance pour guérir ?
Âmes sensibles ou réfractaires à ce qui vient d’être écrit … réfléchir avant de lire.
Certains vont sûrement me trouver “dur”, “percutant”, “choquant”, et pourtant …
Mon rôle n’est pas de faire du boniment, ou de passer la pommade pour fournir une illusion prétendument réparatoire à celle qui nous consume déjà. Certains s’y emploient, volontairment ou non. Lorsque ce n’est pas voulu, ce n’est pas si grave. Dans le cas contraire, le don de la panacée est fait à toutes fins utiles. L’intention qui sous-tend ce genre de pratiques me gêne beaucoup plus … Ceux qui favorisent ce type de lien thérapeutique semblent bannir une forme de vérité que je considère vous devoir, même si cela ne me rend pas populaire aux yeux de tous.
Comme André Gide, je considère que :
“C’est souvent lorsqu’elle est le plus désagréable à entendre qu’une vérité est la plus utile à dire.”
André Gide
Rassurez-vous ! Nous ne sommes tous à un point bien défini du même chemin … et nous avançons. Chacun à notre rythme.
Ni vous ni moi n’échappons à ce processus de constante évolution. Les épreuves nous y aident.
Et quelque chose me dit que si vous êtres en train de lire ce texte, vous faites partie de ceux qui, déjà bien en route et relativement conscients, cherchez le moyen de vous affranchir de l’illusion.
Car nous avons tous en nous la solution à nos problèmes …
Prendre conscience et accepter sont deux pas essentiels qu’il convient de renforcer avec un peu plus de lumière à chaque pas que nous faisons …
Suivez-moi à travers les cycles de notre machine si bien huilée : l’ego !
“Rien de tout ce que nous avons pu jamais imaginer ne se situe au-delà de notre pouvoir. C’est seulement au-delà de la connaissance que nous avons de nous-mêmes.”
Théodore Rozak
Petit rappel pour situer le point de départ.
Mais avant, laissez-moi vous rappeler la cohorte de sentiments qui nous envahit au grè des rencontres, des situations, des avatars quotidiens … Tous ce qui, au dehors, bouleverse notre dedans.
Nous savons tous ce que veut dire éprouver le vide, s’enflammer pour des choses relatives, se perdre dans le doute infini, … Croyez-vous que si nous étions tout à fait conscients de la nature du feu qui génère ces tempêtes émotionnelles, nous le supporterions ?
Personne n’est capable de supporter un tel degré de tout ce que, pourtant, nous abritons en nous, prenant bien soin de l’occulter … Vie personnelle, familiale, sociale oblige.
Cela ne peut rester inerte en nous. Il s’agit d’une énergie, et comme toute énergie, elle obéit à la loi des flux.
“Si nous étions lucides, instantanément, l’horreur de ce qui nous entoure nous laisserait stupides”
Henry Miller
Je le répète, nous possédons les solutions à tous nos problèmes. Notre Soi les possède toutes. Mais séparés de ce trésor par la forteresse de notre ego, c’est vers ce dernier que nous nous tournons. Et l’aide qu’il nous fournit ne sert qu’à prolonger son propre règne. À quoi pourrions-nous nous attendre d’autre ?
Cette aide nous arrive sous deux formes :
La première : Le déni – La seconde : La projection.
L’inconscient est commode en cela qu’il nous permet d’y fourrer tout ce qui ne nous convient pas. Ce qui serait susceptible de nous horrifier de nous-mêmes. De toute la peur, la culpabilité, la haine, … qu’a généré en nous le simple fait de nier notre propre vérité sur ce que nous sommes réellement, seule une part reste consciente. Nous la vivons quotidiennement sous forme d’émotions souffrantes. L’immense majorité restante est niée. C’est à dire refoulée dans l’inconscient.
Commode ?
Jusqu’à un certain point car, à force de repousser la poussière sous le tapis, l’ensemble des bosses qui finissent inévitablement par se créer, nous font risquer la chute … Le déni a ses propres limites.
Que faire alors des possibles résurgences que le déni n’a pu totalement absorber ? L’ego a plus d’un tour dans son sac : la projection vient à la rescousse en présidant la dynamique du “bouc-émissaire”. En termes clairs, “tout ce que le déni n’a pu cacher, qui risque donc d’affleurer a ma conscience, qui me concerne directement et qui m’est intolérable, je m’en défais en l’attribuant à l’autre.”
La perception chez l’Autre de la moindre trace de ce qui couve en nous, sera l’occasion rêvée pour affirmer que cela n’est pas en nous … c’est en l’Autre que cela existe.
Il ne faut pas voir d’autre origine à l’attaque, la critique, la médisance, la colère, l’intolérance, le racisme et une infinité de sources de conflits dont nous sommes tous acteurs ou témoins, à un moment ou à un autre.
Vous aurez compris que, plus que la personne en cause, ce sont nos propres noirceurs que nous voulons éloigner de nous-mêmes.
Outre le caractère difficile des relations qui s’établissent sur ce modèle universel, cette dynamique est à l’origine d’un état d’être qui comporte toutes les caractéristiques d’un piège à deux mâchoires :
Premièrement – “De problème il n’y en a point ! Qu’aurais-je à résoudre chez moi puisque c’est la faute de l’autre ?”
Deuxièmement – En projetant ma noirceur par l’attaque, l’accusation, la critique, j’utilise le meilleur moyen qui soit pour entretenir ma séparation d’avec l’autre. Ce faisant, j’accrois ma peur de l’autre. Son retour d’attaque m’effraie. Et ma culpabilité pour l’avoir offensé accroît ma rage contre son probable ressentiment. Ce faisant, je creuse également le fossé qui me sépare de mon vrai Soi.
Et pour cause : Quel intérêt aurait l’ego à nous permettre d’entrevoir ces aspects magnifiques en nous ? Si nous étions conscients de cette vérité nous concernant et à laquelle nous avons renoncé, l’ego serait immédiatement banni de notre existence personnelle. Nous n’en voudrions plus dans notre vie. Vous comprendrez qu’il a tout intérêt à maintenir l’illusion de sa grandeur à nos yeux !
Comment le fait-il ?
En nous maintenant dans la noirceur.
Avez-vous remarqué que dès lors que nous nous sentons connectés à l’autre, en parfaite harmonie, sereins et en paix, disposé à voir le beau en toute chose, vient le moment où, ignorants de la cause, nous nous mettons à éprouver le doute, la crainte, le besoin de nous comparer, l’abattement, et plus si affinités ?
Nous disant qu’il veut pour nous le meilleur, il s’arrange pour nous maintenir la tête sous l’eau en se gardant bien de nous révéler qu’il est l’instigateur de ce sabotage.
Triste stratégie de “soi” contre “Soi” où nous nous contraingnons à l’auto-emprisonnement ;
Coupé de Soi ; coupé des autres ; coupés du monde.
“Nul ne peut avoir de lien avec son prochain s’il ne l’a d’abord avec lui-même.”
Carl Gustav Jung
Pour boucler la boucle : Le cycle attaque – défense.
Quelle que soit notre attaque, qu’il s’agisse de colère, de jalousie, de critique, de médisance, nous fabriquons en parallèle la peur d’être attaqué en retour ; la culpabilité d’avoir porté atteinte à l’autre pour de fausses raisons. Nous voici en proie à la crainte du châtiment.
Comment ne pas être constamment sur la défensive ?
Effrayés par les conséquences de nos projections, (malheureusement plus réelles qu’hypothétiques), nous nous sentons sur le qui-vive, impulsés à bâtir et renforcer nos défenses en prévision de la contre-attaque à venir.
Quel meilleur moyen avons nous que la peur que nous pouvons inspirer à l’autre ?
Mais voici alors que cela est une autre attaque qui nous fait craindre à nouveau la riposte.
C’est ainsi que de peurs en attaques et de contre-attaques en peurs, nous sommes le jouet d’un fonctionnement propre à cette personnalité créée de toute pièce, au sein de laquelle les défenses génèrent précisément ce qu’elles désireraient nous éviter.
“La meilleure défense, c’est encore l’attaque, non ? À moins que ce soit le contraire …”
X-Men — L’affrontement final.
En conclusion, ces deux barrières défensives, tant le déni-projection que l’attaque-défense, ne sont que les rouages qui permettent à l’ego de péréniser sa propre histoire, le plus loin possible de notre vraie nature où, pourtant, toute idée de peur, de haine, d’inaptitude, de comparaison, … , reste inconnue.
Et dans nos relations … Ça donne quoi ?
Nous aurions tort de croire que ce mécanisme n’adopte que des apparences négatives.
Nous l’avons dit : Rien n’est plus rusé que l’ego lorsqu’il s’agit de sauver sa propre peau.
Parfois, les projection se font sans masques. Et toute la noirceur y apparaît sans fard.
Cela explique tout ce que nous venons d’expliquer, ainsi que l’énergie que nous sommes capables d’investir dans la colère, la diffamation, la critique, l’intolérance, … L’ego a besoin d’un ennemi pour fonctionner librement et assurer ses vieux jours.
Cet ennemi, ce peut être n’importe qui ou n’importe quoi.
Inutile de faire des propositions. La liste exhaustive serait longue pour un bénéfice minimum.
Nous connaissons tous l’ensemble des collectifs qui sont souvent les victimes privilégiées des projections plus ou moins violentes.
La cible, ce peut être aussi une idée, une situation, une nationalité ou une nation toute entière…
Chacun possède ses propres diables ! Certains plus dangereux à vouloir combattre que d’autres.
Enfin, et plus simplement, ce sera le voisin, le/la conjoint.e, le fils ou la fille, le frère ou la soeur.
La liste est interminable et il n’est pas utile d’en dire plus.
C’est ici qu’il devient intéressant de montrer l’autre visage du mécanisme.
Un visage angélique qu’il est difficile de reconnaître a priori, car il ne dit pas son nom.
Répétons-le, l’ego a plus d’un tour dans son sac ! Et il n’a aucune difficulté à passer pour quelque chose qu’il n’est pas.
Vous n’aurez pas de mal à reconnaître ce phénomène trompeur une fois que nous l’aurons décrit.
Revenons à la source :
Séparé de mon vrai Soi, j’éprouve un manque chronique.
Je trouve en l’autre les qualités qui manquent en moi ; soit parce que je les ignore bien qu’elles existent, soit parce que, rêvant de les posséder, je m’en sais dépourvu. Alors je décide que cet autre répond à mon vide.
Voilà pourquoi nous sommes si peu enclins à voir en nous la solution à nos problèmes.
Tout comme nous considérons que le danger, la noirceur, viennent forcément du dehors, nous avons tendance à croire que le sauveur est également forcément hors de nous.
Quelle que soit la nature de la relation au sein de laquelle s’applique cette logique, le résultat reste le même : Tant que la cible satisfait ce manque, comble ce vide, je l’aimerai. Dès lors que cela cesse d’être le cas, l’autre devient un persécuteur. J’en ferai alors le symbole de mes propres ombres.
Au mieux, il sera réprimendé ; culpabilisé ; accusé de m’abandonner ; etc. Car le moyen le plus efficace de contraindre l’autre à être ce que NOUS désirons qu’il soit, pour notre plus grande illusion de bonheur, c’est de le rendre coupable. Or, je ne connais personne qui tienne à se sentir accusé.
Au pire, la projection des qualités qui nous ont fait choisir cet objet d’amour se transformera en projection de nos noirceurs les plus sombres. Ainsi, nous deviendrons persécuteur de celui que nous prenons pour notre bourreau. Et la projection d’amour se transformera en projection de haine.
Voici la base du continuum sur lequel nons fondons notre perception de l’Autre :
L’idéalisation et le dénigrement.
En psychanalyse, le passage de l’une à l’autre de ces perceptions extrêmes se dénomine le “clivage de l’objet”. Dans la vie de tous les jours, cela s’appelle désarroi ; car alors, nous devenons le pantin dont l’Autre tire les ficelles émotionnelles.
Transférable à souhait, à n’importe quel type de relation !
Voilà comment ce que nous appelons relation “d’Amour” n’est en réalité qu’un lien de dépendance.
Ce type de relation ne peut être qu’exclusif. Toute autre personne faisant son apparition devient une menace pour le fragile édifice. Un rival, tant sur le plan personnel que relationnel.
Cet amour est exclusif : “Je veux être le centre de ton attention.”
Cet amour est utilitaire : “Je t’utilise pour apaiser la brûlure de ce que je refuse absolument de voir en moi.”
Cet amour est quantitatif. Il jalouse, sépare, compare : “Dis-moi si tu m’aimes plus ou moins que l’autre.” ou “Miroir, mon beau miroir ! Dis-moi qui est la plus belle en ce Royaume !”
L’amour du vrai Soi n’est basé ni sur la peur, ni sur le manque. Il inclut tout le monde. Il multiplie.
Il se donne et se reçoit en retour, sans calculs. Sans attentes. Juste la joie du don et de l’accueil !
En effet, il libère la relation d’ego à ego pour la placer sous le signe du partage authentique.
“Ce qu’il y a d’étrange avec la dépendance affective, c’est qu’on s’abandonne soi-même pour éviter d’être abandonné par l’autre.”
Auteur inconnu
Que faire de tout cela ? Pourquoi ne pas commencer par ce mot – Essayez … c’est étonnant !
Le PARDON.
Un petit vocable qui renferme pourtant en lui-même tout ce qui nous permettrait de nous affranchir de l’enfer … De retrouver l’Unité de ce que nous avons de plus vrai en nous.
Plus de peur ni de dépendance.
Confiance absolue et sentiment de pleinitude.
La paix retrouvée au dedans comme au dehors.
Difficile à croire ?
Oui … pour l’instant !
Le pardon auquel vous pensez n’a peut-être pas le sens que j’aimerais lui donner ici.
Dans ce texte, c’est la reconnaissance en l’autre qu’il possède sa propre lumière cachée en dépit de l’ego qu’il présente au monde. Alors pardonner, c’est acquérir la capacité de voir la personne au-delà du costume qu’elle présente. Plus loin que ses défenses. À travers ses souffrances.
Nous n’avons pas l’habitude de cela. Notre premier réflexe étant de percevoir les apparences et d’en tirer toutes les conclusions à fins utiles pour notre propre ego.
Rappelez-vous : l’ego a besoin d’un ennemi pour projeter les ombres personnelles intolérables.
Lorsque nous dépassons cette perception de l’autre, nous accédons à une connaissance de celui-ci qui attenue grandement la nécessité de jugement. En effet, la perception favorise la distorsion.
La connaissance, c’est le simple fait de savoir que derrière l’apparente personnalité, il y a un véritable esprit qui dort et que notre pureté de regard permettra d’éveiller.
Parallèlement, exercer ce pardon vis-à-vis d’autrui, revient à l’exercer pour soi-même. Reconnaître la part de lumière de l’autre, c’est reconnaître celle que nous abritons en nous.
Au fond, ce que je fais pour l’Autre, c’est à moi que je l’offre aussi.
Montre ta lumière et l’autre te montrera la sienne. Et lorsqu’il te la donnera, ta seule envie sera de la lui rendre encore plus. Alors le cercle vicieux relationnel devient vertueux.
Concrètement, de quoi pourrions-nous tenir compte pour exercer ce pardon pour autrui … et donc pour nous-mêmes ?
Au fond, à y bien regarder, tout jugement, la moindre critique, la plus petite médisance, l’attaque …
Mais aussi toute dépendance, toute revendication, toute coaction …
Ne sont que des manques d’amour.
Bien plus : ce sont des appels à l’amour.
Ce que nous sommes incapables de voir en nous-mêmes pour nous être déconnectés de ce noyau de vérité, nous l’appelons, le revendiquons. l’exigeons à l’autre.
En oubliant que nous l’avions en nous, nous voilà incapable de le donner. Nous n’en offrons qu’un succédané qui cherche un retour qui ne vient pas.
Cela accentue le vide et le manque. Et c’est cela qui nous pousse à l’attaque.
En oubliant que nous avions en nous l’amour véritable, dénué de calculs, nous avons perdu la capacité de le donner. Retrouver cette faculté fait qu’inévitablement, nous le recevrons en retour.
Les guerres, les pouvoirs abusifs, les actes et les situations tout aussi abominables les uns que les autres qui innondent nos journaux télévisés et notre presse écrite … ne sont rien d’autre qu’un appel à l’amour.
Encore une fois : Difficile à croire ?
J’en conviens.
Et pourtant, toutes ces choses ne sont que des manières de vénérer de faux Dieux croyant qu’ils rempliront durablement et définitivement un vide insoutenable. En donnant le crédit qu’on connaît à ces illusions, ceux qui s’adonnent à la haine, à la contrainte ou la domination en vu de prestige, de pouvoir, de richesse, … Ceux-là ignorent l’ampleur du fossé qu’il creusent entre un ego devenu fou et la richesse qui dort au fond d’eux-mêmes. Ignorants du fait même qu’ils sabotent cette richesse originelle et par-là même, génèrent leur propre misère.
“Sans le pardon […], l’avenir n’a pas la moindre chance d’approcher l’idée du bonheur véritable, à jamais perdu parmi tant d’autres illusions.”
Hadif Aggoune
Changer de regard …
Outre l’amélioration notable que cette nouvelle façon d’être pourrait nous apporter au sein de la relation, il est difficile d’en imaginer les bénéfices au niveau personnel.
Nous avons vu que l’ego était né d’une séparation. La création d’un personnage dont nous finissons par croire qu’il est Nous, fait perdre de vue ce que nous sommes réellement. Et c’est toute notre vision qui en devient séparée. Nous vivons dans un monde de dualité, de contraires, d’opposés.
Tout est blanc ou noir ; beau ou laid ; bon ou méchant ; bien ou mal …
Clivage de l’objet qui sera tour à tour idéalisé ou complètement dénigré selon qu’il répond ou non aux besoins de notre ego.
Clivage du propre moi qui sera vu comme extraordinaire si les circonstances extérieures le permettent ou comme ne valant rien si les conditions du dehors ne sont pas favorables.
À l’affût du compliment perpétuel et éminemment réactif aux critiques.
En acceptant de reconnaître le vrai Soi : la véritable source d’amour que nous avons perdu de vue, nous nous permettons d’admettre que nos noirceurs ne sont que des recherches de cet amour perdu. Cela nous montre à quel point, cet amour n’est pas si perdu qu’on le croyait.
Il est là, tel qu’il a toujours été.
La bribe que nous en percevons suffit à en éveiller l’ensemble.
Juste prendre conscience de cette méprise et adopter le seul regard qui vaille envers Soi, envers l’autre, envers tout ce qui existe.
“Insistons sur le développement de l’amour […] Le reste nous sera offert.”
Mère Teresa de Calcuta
Faut-il tuer l’ego ?
L’ego n’est pas un ennemi à terrasser. Ce n’est pas une entité qu’il faille haïr et détruire.
En prendre conscience, comprendre son fonctionnement et le réinterpréter suffisent.
C’est ainsi que nous pourrons intégrer notre noirceur à notre lumière, et que l’unité apparaîtra. Ainsi, tant chez l’autre que chez soi, en reconnaissant l’ombre comme un simple costume et en nous reconnectant à cette part authentique de nous-mêmes, nous créons l’Unité à partir de la dualité.
Facile à dire !
Effectivement. Ce n’est pas facile. C’est pourtant simple !
La décision d’adopter le regard du pardon tel que nous en avons parlé, appartient à chacun.
Il n’y a que moi qui donne son pouvoir à mon ego.
Ce que j’accepte dans mon esprit est réel pour moi.
Dans mon esprit, le Soi et l’ego co-existent. L’un est beaucoup plus actif et bruyant que l’autre. Réinterpréter l’ego veut dire que la part de mon esprit que j’ai donné à l’ego retourne au Soi.
En cela, tout ce que nous percevons au-dehors est une occasion d’apprendre.
Ne voyant (et n’appelant) que la part lumineuse d’autrui, nous ne pourrons voir que notre propre lumière. Et les ombres de chacun cessent d’avoir l’importance que nous lui avons pourtant attribuée jusqu’ici.
Ainsi, les relations cessent d’être des motifs de séparation. Elles deviennent des occasions de vraie connecxion d’où sont définitivement bannies les jalousies, les comparaisons, les appels destructifs à un amour qui n’en est pas.
Il n’y a que de cette manière que l’amour “qui n’en est pas” peut être transformé en ce qu’il a toujours été.
Ayant foi en notre propre valeur et dans l’autonomie parfaite qui nous caractérise en profondeur, nous n’avons plus rien à projeter. Nos relations s’établissent alors sur le partage, la liberté, la tolérance et l’enrichissement mutuel.
Un lien où il n’existe aucune attente de l’autre pour Soi, autre que ce que l’autre peut donner de vrai.
Un lien où chaque offrande venant d’autrui est reçue comme un cadeau, car rien n’était attendu au départ.
Un lien où l’autre, libre également de toute attente nous concernant reçoit le don de ma vérité.
Ce lâcher-prise désamorce un contrôle que, jusqu’ici, nous avons exercé sans nous rendre compte qu’au fond, nous ne contrôlions absolument rien … ou pas grand chose !
Nos solutions ne sont pas à l’extérieur. Elles n’existent qu’en nous.
Dès que nous comprenons cela, nous pouvons commencer à entrevoir l’ampleur du véritable pouvoir qu’est le nôtre. Et la responsabilité, l’autonomie, la liberté, sont totales.
Rétablir en nous cette Unité à partir de la dualité originelle nous rend invincibles !
Car enfin, nous comprenons qu’il n’y a rien dehors qui soit susceptible de combler un manque qui n’a jamais véritablement existé.
Y a-t-il un sens à s’inquiéter de ce qui n’existe pas ?
“Il vaut mieux être complet que parfait”
Carl Gustav Jung
Face à ces questions, serait-il abusif de déclarer qu’il existe trois types de personnes ?
Cela peut sembler très réducteur. C’est pourtant le constat que je fais dans ma pratique quotidienne d’accompagnant et de thérapeute.
Il y a ceux qui ne sont pas prêts pour s’engager sur ce chemin. Rien de criticable dans la mesure où ils n’en éprouvent simplement pas le désir. Chez eux, le personnage est suffisamment adapté à l’illusion qui nous entoure pour y vivre sans que le sentiment de conflit ne soit trop difficile à supporter. Cela n’en fait pas des êtres “inférieurs” pour autant.
Il y a ceux que le désalignement torture. Pas à leur place, pas eux-mêmes, ils deviennent la proie de leur propre torrent émotionnel et sont envahis par un sentiment d’irréversibilité. Ceux-là ont un immense désir de changer mais ont du mal à voir comment. L’aide d’un bon professionnel, ayant lui-même suffisamment travaillé (pas forcément résolu !) ses propres avatars égotiques, sera d’une valeur inestimable.
Enfin, il y a ceux qui, bien qu’étant dans la même situation que les personnes précédentes, auront à coeur de poursuivre ce chemin seuls. La vie en soi est un apprentissage dont il est possible de parcourir les sentiers avec coeur et intelligence ; même si cela prend un peu plus de temps …
Pour finir …
J’ai suffisament répété que nous avions tous en nous la solution à nos problèmes …
Que nous l’ayons perdue ne signifie pas qu’elle ait disparu … Cela veut simplement dire que nous en avons oublié le chemin d’accès.
Cette solution au coeur de nous-mêmes est connue de tous (du moins en théorie) sous un nom ou un autre. C’est le Soi, la lumière, l’Esprit, etc …
Seul ou accompagnés, disions-nous ?
Plus de temps … moins de temps …
S’il est vrai qu’un guide aimant et compréhensif saura vous donnner des clés inestimables, il est essentiel de reconnaître que le temps reste une valeur toute relative.
Au final, un vrai accompagnant ne sera pas quelqu’un qui vous dicte ce que vous avez à être. Une telle personne est parfaitement consciente du fait qu’elle ne peut se constituer en détenteur d’une vérité ou d’une solution qui n’appartiennent qu’à vous.
Un véritable accompagnant, tel que je le conçois, ne peut, et ne doit être qu’un guide qui vous mène sur la route de votre propre vérité. Il vous découvrira souvent en même temps que vous le ferez. Sans doute avec un léger temps d’avance. Il fera cela dans le plus pur respect de ce que vous êtes, même si vous semblez l’avoir oublié en cours de route …
Et souvenez-vous que la teneur du chemin reste au moins aussi importante que la fin en soi …
Pour donner ma note finale à ce texte, j’emprunte ces deux citations à Oscar Wilde :
“Le mystère final, c’est soi-même.”
“Ma grande erreur, celle pour laquelle je ne peux pas me pardonner, c’est le jour où j’ai abandonné la recherche obstinée de mon individualité.”
Merci infiniment d’avoir pris le temps de me lire.
Après la gratitude, il me reste l’espoir que cela ait pu vous apporter quelque chose de positif …
À dans quinze jours pour d’autres mots … contre les maux …